Les fouilles aux trésors : retour sur la vie antérieure de la place Sainte-Anne

Du début des travaux, datant de 2014, à la mise en service de la seconde ligne du réseau métropolitain de Rennes, le 20 septembre 2022, les grands travaux qui ont bercé la métropole bretonne pendant presque une décennie ont fait l’objet d’une trentaine de fouilles archéologiques. Cela avait déjà été le cas lors de la construction de la ligne A, mais les fouilles réalisées autour de la place Sainte-Anne (faisant partie des plus importantes avec la fouille de la place St-Germain de par le passage de deux lignes) ont révélé aux habitants plus de deux mille ans d’occupations successives de la place connue aujourd’hui comme la toute première de la capitale bretonne. Repenchons-nous sur les fouilles de la place publique Sainte-Anne, qui ont permis d’enrichir notre compréhension de l’histoire rennaise.

Sainte-Anne : un forum à la romaine ?

Lors des fouilles obligatoires préalables au lancement des travaux, menées par l’institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) d’octobre 2013 à début 2014, on a découvert des vestiges de la fondation de Rennes, à l’époque gallo-romaine, lorsque la ville portait encore le nom de Condate Riedonum, chef-lieu de la cité des Riédons. D’autres artéfacts ont également été retrouvés en fouillant les sols, datant de l’Antiquité à la Seconde guerre mondiale.

Il était à la base pensé par un grand nombre de gens, scientifiques compris, que le centre du pouvoir de la ville romaine que fut Rennes avait été amménagé au niveau du quartier République, où se trouve actuellement la place de l’hôtel de ville, qui serait un endroit où se seraient succédés les lieux-dits les plus importants. Cela est resté ancré dans beaucoup d’esprits : sur le site de Rennes métropole, en 2013, on pouvait notamment encore trouver le quartier République mentionné comme le « centre historique gallo-romain ». Cette idée était également renforcée par le fait que peu de choses avaient été trouvées lors des premières fouilles de la ligne A. Cependant, comme le souligne le chercheur Dominique Pouille, « on n’a aucune trace d’occupation antique, ce qui semble indiquer que la ville ne s’est pas développée à cet emplacement ». Les fouilles de la Ligne B ont conduit à bien plus de découvertes que celles de la A, et ont permis de confirmer ces impressions et comprendre que la place autour du couvent des Jacobins fut le tout premier centre de Rennes autour duquel la ville s’est ensuite développé. D’ailleurs, ce ne sont quasiment que des sépultures qui ont été retrouvées aux alentours de la place de l’hôtel de ville (cinq sépultures endommagées de l’époque romaine), appuyant davantage cette nouvelle théorie, étant donné que les romains n’enterraient pas leurs morts dans les centre-villes.

C’est ainsi durant ces secondes fouilles réalisées sur une surface de 945 m2 que les plus anciens vestiges furent découverts. D’abord : les restes d’un carrefour entre ce qui semblait avoir été trois rues, bordées de galeries couvertes sur plus de 300 m2, des briques de pierre d’un ancien four utilisé à la fabrication du verre, mais surtout les vestiges d’un bâtiment qui est supposé avoir été une tour en bois (mesurant jusqu’à une vingtaine de mètres), qui surplombait une esplanade d’une trentaine de mètres de long et bordée par un mur d’une cinquantaine de mètres datés du Ier siècle par carbone 14. On y a également découvert deux axes principaux : un axe est-ouest, ainsi qu’un axe dit cardo maximus (nord-sud), du latin « cardo » pour signifier « pivot », qui se croisaient à angles droits. La place Saint-Anne a ainsi été qualifiée de protoforum par les chercheurs. Non pas un forum, car on n’est toujours pas certains de la nature de cette place. D’après l’Inrap, il y a deux hypothèses possibles : le début d’un forum datant de la naissance de la ville, ou un quartier général éphémère d’une garnison qui aurait joué un rôle clef à la création de la ville.

Un remaniement des quartiers de la métropole

Il a été découvert que les bâtiments furent démantelés au cours du IIIe siècle avec le déclin de l’Empire romain afin de construire des remparts à l’aide des briques recyclées des bâtiments. Cela a fait disparaître nombre des structures de l’époque gallo-romaine, expliquant le peu de vestiges retrouvés dans le centre historique de Rennes, que ce soit à Sainte-Anne ou ailleurs, notamment lors des toutes premières fouilles. Ces remparts sont restés à Rennes au cours du Moyen-Âge, mais le quartier romain ne s’est donc pas maintenu. On a cependant retrouvé des squelettes et morceaux de cuir vers la place Saint Germain, dans un ancien quartier d’artisans exceptionnellement bien conservé par le manque d’oxygène. Cela, combiné aux fouilles autour de République et les retrouvailles d’un ancien pont traversant la villaine, indique qu’il y a eu un déplacement de toute une population d’artisans, ainsi que du centre Rennais vers les IIIe et IVe siècles. Il n’y a à ce jour rien qui ait été retrouvé qui permettrait de comprendre les modalités d’abandon du secteur. Beaucoup moins d’objets datant de la période du haut Moyen-Âge ont été retrouvés. Seuls quelques tessons et céramiques témoignent de cette époque, indiquant un exode du quartier au cours de cette période. Le quartier connaîtra cependant un renouveau au cours du Moyen-Âge (entre le XIe et XIIIe siècle), avec la construction de grandes rues jalonnées de grandes maisons disposant de jardins, l’ancien hôpital Sainte-Anne et le cimetière médiéval de la paroisse Saint-Aubin (aujourd’hui disparus) : un quartier central religieux d’habitation au pied des remparts, voisinnée de l’autre côté par l’ancienne église Saint Aubin où se trouve aujourd’hui la basilique Notre Dame de Bonne Nouvelle. Les analyses et datations des squelettes des défunts par carbone 14 suggèrent que le quartier est ensuite resté un quartier paroissial où les gens habitaient et étaient enterrés jusqu’à la fin de la renaissance au XVIe siècle, au cours duquel sera enfin créé la place Sainte-Anne, tirant son nom de l’hôpital qui fut le centre de celle-ci du pendant deux siècles.

Sainte Anne aujourd’hui

D’après l’historien Gilles Brohan, la place Sainte-Anne a toujours eu un caractère populair’historien Gilles Brohan. Si l’on retrace son histoire, elle fut d’abord le centre fondateur de la ville, un quartier militaire qui s’est remanié en quartier commerçant où les riches légionnaires et simples artisans séjournaient. Suite à la chute de l’Empire romain a eu lieu un réagencement de la ville : construction de remparts, démolition des premiers bâtiments et réutilisation des pierres, relocalisation des artisans et des habitations du IIIe au VIe siècle, puis vint la fondation d’un quartier paroissial qui accueillit l’hôpital Sainte-Anne avant de devenir le quartier éponyme que l’on connaît aujourd’hui. Un quartier où se concentrent notamment la « rue de la soif » et la plupart des soirées étudiantes ; un quartier toujours très populaire en somme. Enfin, les fouilles de 2013 avaient permis de retrouver davantage de vestiges de la Seconde guerre mondiale, cachés sous le bitume et les dalles, à quelques dizaines de centimètres sous terre et aujourd’hui exposés dans sept musées différents. La reconstruction qui a suivi nous évoque un caractère nouveau de la place Sainte-Anne, qui malgré son charme ancien avec ses maisons à colombages, nous paraît toute fois bien jeune et vivante. Une place vivante, qui a toujours su rassembler les gens.

Sources diverses :

  • Ensemble des résultats des fouilles de Rennes : http://bibliotheque-numerique-sra-bretagne.huma-num.fr/files/original/34e6aa8b832de4967e0c614a4300f829e5613acb.pdf
  • Interview de Dominique Pouille : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/rennes-et-son-metro-sous-terre-deux-mille-ans-d-histoire-919227.html
  • Sommaire résultats de fouilles de la ligne B à Sainte-Anne :https://portal.ariadne-infrastructure.eu/resource/f5f4453cb5310f4cb4990cf2bd31191a637a5130afe5addbd622956e0623e4ee
  • Chantier du métro B : https://metropole.rennes.fr/ligne-b-du-metro-un-chantier-exceptionnel
  • Fouilles archéologiques complètes de la ligne B par l’Inras : https://multimedia.inrap.fr/atlas/Rennes/sites/3341/Metro-Val-ligne-B-station-Place-Sainte-Anne
  • Musées de Bretagne : https://bretagnemusees.bzh/